En cours de lecture ...

Parfois le quatrième de couverture ne suffit pas (d'autant que, personnellement, je les trouve de plus en plus mal faits) et on aimerait bien avoir un aperçu d'une oeuvre sans pour autant tomber sur un passage crucial ou autre ..

Je vous propose donc dans ce topic, de nous faire partager un passage d'un livre que vous êtes entrain de lire, qui vous aura fait frissonner, ému ou autre ....

Invité

Je relis "Ames Perdues" j'en mets un extrait alors (mais repris sur le blog d'une amie qui avait recopié l'extrait) :

« Steve ... » murmura Ghost. Son cœur se gonflait dans sa poitrine, se tendait vers celui de Steve, voulait se joindre à lui pour ne plus former qu'une seule pulsation. Des frères siamois liés au niveau du cœur, aux palpitations en parfaite harmonie, aux veines parcourues du même sang.

Ghost posa une main sur le torse de Steve, trouva les battements de son cœur, forts et réguliers. Steve sembla se détendre légèrement à ce contact. Les ombres qui cernaient ses yeux se faisaient-elles moins sombres ? Ghost leva la main pour toucher ces ombres, pour les capturer et les emprisonner sous ses ongles, peut-être pour les porter à sa bouche et les avaler. Steve battit des cils, mais garda les yeux ouverts. Comme il avait confiance en Ghost. Tu es mon plus vieil ami, tu es mon unique frère ... Ghost effleura la soie à vif des paupières de Steve, la barbe râpeuse qui poussait sur les joues de Steve. Il posa sa tête contre ce cœur si fort. Il sentit les lèvres de Steve former un mot. « Ghost ...»

Il réussit à émettre un petit bruit de gorge.
« Ne me quittes jamais. Ne t'en va jamais, mec ... »
Steve se tut, mais Ghost eut le temps d'entendre sa voix se nouer.
« Non, dit-il. Ce n'est pas moi qui m'en irai ». Impossible d'en dire plus. Il décida d'avaler les ombres qui souillaient les yeux de Steve ; il décida de les lécher. Il se pencha sur lui, mais sa bouche, au lieu de se poser sur ses yeux, se posa sur les lèvres de Steve pour y déposer un baiser maladroit.

Tous deux se tendirent. Non, oh non ! pensa Ghost, ce n'est pas ce que je voulais faire, et les mains de Steve se levèrent pour l'écarter.
Mais elles étaient traîtresses, ces mains ; au lieu de chasser Ghost, elles glissèrent au-dessus de ses épaules et se nouèrent au creux de ses reins. Steve l'attirait contre lui, comprit Ghost. Peut-être pouvait-il l'aider à présent, cette nuit. Peut-être qu'il pourrait triompher un temps de cette terrible solitude.
Il entrouvrit les lèvres de Steve, et leurs langues se mêlèrent tels deux cœurs battants.
La mélasse, entendit-il. Tu as toujours goût de mélasse.

« Hein ? fit Ghost. Quoi ? » Leurs bouches se séparèrent un instant, puis se retrouvèrent.
Ces pensées fugaces n'avaient aucune importance. Ces précieuses minutes devaient durer, et durer encore ; ce baiser devait durer un long, très long moment. Dans quelques instants, Steve allait se dégager. La saveur dorée qui imprégnait sa langue ne devait rien à la bière Dixie. C'était la saveur des étés de l'enfance, la saveur des jours enfuis, épicée par le sombre goût de la terreur. Steve redoutait déjà la confiance que lui inspirait Ghost ; il l'avait avoué. Ce baiser allait prendre fin, et il n'y en aurait pas d'autre, car Steve n'aurait pas la force d'admettre tout ce qu'il impliquait. Steve était déjà en train de paniquer, Ghost le sentait sans problème. Mais comme il avait besoin de lui !

Ils dormirent dans les bras l'un de l'autre, comme s'ils risquaient de se noyer dans les couvertures. Ghost ne s'assoupit pas tout de suite. La tête de Steve était enfouie au creux de son épaule ; le souffle de Steve caressait le duvet de sa nuque ; les longues jambes de Steve étaient croisées avec les siennes. Ghost savait parfaitement qu'à son réveil, Steve allait plisser les yeux et marmonner : « Merde, j'étais tellement bourré hier soir que je me rappelle rien de ce qui est arrivé ».
Mais, cette nuit, Ghost pouvait faire les cauchemards de Steve à sa place. Et c'est ce qu'il fit.

Je relis aussi "Les Fleurs du Mal" ainsi que les oeuvres de Rimbaud, et les lettres qu'il a écrit à Verlaine. Je vous mets celle que j'ai recopié, sa première :

[Lettre à Verlaine du 4 juillet 1873]

A VERLAINE

Londres, vendredi apr[ès]-midi

-Reviens, reviens, cher ami, seul ami, reviens. Je te jure que je serai bon. Si j'étais maussade avec toi, c'est une plaisanterie où je me suis entêté, je m'en repens plus qu'on ne peut dire. Reviens, ce sera bien oublié. Quel malheur que tu aies cru à cette plaisanterie. Voilà deux jours que je ne cesse de pleurer. Reviens. Sois courageux, cher ami. Rien n'est perdu. Tu n'as qu'à refaire le voyage. Nous revivrons ici bien courageusement, patiemment. Ah ! je t'en supplie. C'est ton bien, d'ailleurs. Reviens, tu trouveras toutes tes affaires. J'espère que tu sais bien à présent qu'il n'y avait rien de vrai dans notre discussion. L'affreux moment ! Mais toi, quand je te faisais signe de quitter le bateau, pourquoi ne venais-tu pas ? Nous avons vécu deux ans ensemble pour arriver à cette heure-là ! Que vas-tu faire ? Si tu ne veux pas revenir ici, veux-tu que j'aille te trouver où tu es ?

-Oui c'est moi qui ai eu tort.
-Oh tu ne m'oublieras pas, dis ?

-Non tu ne peux pas m'oublier.
-Moi je t'ai toujours là.
-Dis, répon[d]s à ton ami, est-ce que nous ne devons plus vivre ensemble ?
-Sois courageux. Réponds-moi vite.
-Je ne puis rester ici plus longtemps.
-N'écoute que ton bon coeur.
-Vite, dis si je dois te rejoindre.
-A toi toute la vie

Rimbaud.

-Vite, réponds : je ne puis rester ici plus tard que lundi soir. Je n'ai pas encore un penny, je ne puis mettre ça à la poste. J'ai confié à Vermersch tes livres et tes manuscrits.
-Si je ne dois plus te revoir, je m'engagerai sans la marine ou l'armée.
-Ô reviens, à toutes les heures je repleure. Dis-moi de te retrouver, j'irai, dis-le-moi, télégraphie-moi -- Il faut que je parte lundi soir, où vas-tu, que veux-tu faire ?

year

je suis dans l'extrai! Cool

moi, fot que je retrouve les fleurs du mal pour l'extrai...

Je ne pense pas ma pauvre Ghost... Dans cet extrait, Ghost est un homme si je ne m'abuse... Laughing

" Sache, ô Fier Coeur d'Effroi, qu'en ces temps n'étaient ni rois ni reines, ni seigneurs ni vassaux. Durant les incalculables millénaires qui précédèrent Everon, que l'on apelle aussi l'Ere de l'Homme, n'existaient que maîtres et esclaves. les aîtres étaient ancestraux, aussi versés à torturer que les étoiles à briller. Ils étaient plus puissants que des dieux, et ils n'étaient pas humains.
Leurs esclaves étaient innombrables, mais toutes nos mères et tous nos pères se comptaient parmi eux. Les humains étaient leur bétail et leur jouet. Mais même des esclaves de mille générations peuvent naître avec des coeurs assez purs pour espérer et assez ténébreux pour faire ce qui doit être fait.
Même un esclave peut se dresser dans la poussière, affûter son regard en une lame, et dire à son maître : "Je ne t'appartiendrai jamais"

Le témoignage de saint Anemlen à la cour du Bouffon Noir, peu avant le commencement de son supplice.(Le roi de bruyère" cycle des royaumes d'épines et d'os de Greg Keyes)

Ange curieux Nombre de messages : 48 Age : 45 Date d'inscription : 02/07/2007

"Est-ce ici la région, le sol, le climat, dit alors l'Archange perdu, est-ce ici le séjour que nous devons changer contre le ciel, cette morne obscurité contre cette lumière célèste ? Soit ! puisque celui qui maintenant est souverain, peut disposer et décider de ce qui sera justice. Le plus loin de lui est le mieux, de lui qui, égalé en raison, s'est élevé au-dessus de ses égaux par la force. Adieu, champs fortunés où la joie habite pour toujours ! salut, horreurs ! salut, monde infernal ! Et toi, profond Enfer, reçois ton nouveau possesseur. Il t'apporte un esprit que ne changerons ni le temps ni le lieu. L'esprit est à soi-même sa propre demeure ; il peut faire en soi un Ciel de l'Enfer, un Enfer du Ciel. Qu'importe où je serai, si je suis toujours le même et ce que je dois être, tout, quoique moindre que celui que le tonnerre a fait de plus grand ? Ici du moins nous serons libre. Le Tout-Puissant n'a pas bâtu ce lieu pour nous l'envier ; il ne voudra pas nous en chasser. Ici nous pourrons régner en sûreté : et, à mon avis, régner est digne d'ambition même en Enfer ; mieux vaut régner dans l'Enfer que servir dans le Ciel"

Satan parlant à Béelzébuth.

Le Paradis Perdu de John Milton.

Un extrait de "L'écume des jours" de Boris Vian. Un des passages que j'aime le plus...

"- Bonjour!...
Chloé était arrivée par derrière. Il retira vite son gant, s'empêtra dedans, se donna un grand coup de poing dans le nez, fit "Ouille" et lui serra la main. Elle riait.
- Vous avez l'air bien embarrassé!...
Un manteau de fourrure à long poil de la couleur de ses cheveux, et une toque en fourrure aussi, et de petites bottes courtes à revers de fourrure.
Elle prit le bras de Colin.
- Offrez-moi le bras! Vous n'êtes pas dégourdi, aujour'hui...
- ça allait mieux la dernière fois,avoua Colin.
Elle rit encore et le regarda, et rit de nouveau, encore mieux.
- Vous vous moquez de moi, dit Colin, piteux. C'est pas charitable.
- Vous êtes content de me voir? dit Chloé.
- Oui...dit Colin.
Ils marchaient, suivant le premier trottoir venu. Un petit nuage rose descendait de l'air et s'approcha d'eux.
- J'y vais? proposa-t-il
- Vas-y! dit Colin, et le nuage les enveloppa.
A l'intérieur, il faisait chaud et ça sentait le sucre à la cannelle.
- On ne nous voit plus! dit Colin...Mais nous, on les voit.
- c'est un peu transparent, dit Chloé, méfiez vous.
- ça ne fais rien, on se sent mieux tout de même, dit Colin."

Invité

J'aime ce livre, il est absolument fantastique. J'ai du le lire une dizaine de fois, c'est vraiment LE livre à lire !

En cours de lecture pour moi : Les Fleurs du Mal de Baudelaire, Poèmes Saturniens de Verlaine et quelques pièces de Shakespeare (Le Roi Lear, Othello, Le Songe d'une nuit d'été et Macbeth)